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Points de vue

Temps de lecture : 3 min

11/04/2025

Sauvons le rural ! Haro sur l’urbain !

L’Assemblée nationale a adopté, courant mars, la proposition de loi du député Peïo DUFAU, visant à lutter contre la disparition des terres agricoles et à renforcer la régulation des prix du foncier agricole. L’auteur de la proposition entend traiter la problématique nouvelle de la consommation “masquée” de terres agricoles, imputable à une population urbaine venant s’installer à la campagne et dévoyant des hectares de terres pour les transformer en jardins d’agrément, acquis à des prix élevés qui déstabilisent le marché foncier.

Ne cherchons plus les coupables du désarroi du monde rural, ils sont identifiés : ce sont ces “estrangers” venus des villes. En l’état des travaux parlementaires, le texte prévoit qu’à l’avenir, toute vente d’une habitation et de terres attenantes devra être notifiée à la SAFER avec un prix ventilé, distinguant ce qui relève de l’activité agricole de ce qui relève de l’habitation. Le tout pour permettre une préemption partielle sur les surfaces à vocation agricole. N’échapperaient aux prérogatives des SAFER que les seules “dépendance(s) indispensable(s) et immédiate(s) de l’habitation” ou les terrains “présentant un intérêt historique et patrimonial manifeste, sans que la surface de ces terrains soit disproportionnée par rapport à la superficie des biens d’habitation”. L’imprécision de la formule inquiète, et la Ministre de l’agriculture a averti les députés d’un risque de censure du Conseil constitutionnel, pour atteinte au droit de propriété.

Certes, tout ne peut être contesté dans ce texte : à la marge, il peut être utile de renforcer le droit de préemption des SAFER dans les zones tendues, pour leur permettre d’acquérir des bâtiments ayant été rattachés à une exploitation agricole depuis moins de vingt ans, comme elle peut d’ores et déjà le faire dans les zones littorales. Mais ces petits ajustements législatifs ne pourront à eux seuls répondre aux difficultés structurelles de l’agriculture française, dont le modèle a été bâti pour un autre siècle. Mécaniquement, l’érosion de la rentabilité des exploitations oriente certaines surfaces agricoles vers d’autres usages, et tous les droits de préemption, même les plus sophistiqués, ne pourront enrayer ce mouvement. Les agriculteurs cédant leurs terres sont parfois les acteurs de cette déperdition de surfaces.

Alors, est-il raisonnable de désigner le monde urbain comme étant la racine du mal, quand la population agricole, noyée dans un monde rural de plus en plus cosmopolite, décroit de décennies en décennies ? Il faudra se décider un jour à repenser l’agriculture française et ses outils de régulation, qui ne peuvent être indéfiniment ceux d’hier.