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20/02/2025
Une boussole et une vision pour se mettre en chemin…
Deux jours avant l’ouverture du Salon International de l’Agriculture, et respectant l’engagement de communiquer les grands principes qui vont guider son action au cours de son mandat, la Commission vient de publier sa “Vision pour l’Agriculture et l’Alimentation“. Ce document vient à la suite de plusieurs publications essentielles pour esquisser la feuille de route des cinq prochaines années : “la boussole de compétitivité pour l’UE“, diffusée le 29 janvier, “La route vers le prochain Cadre Financier Pluriannuel” et “Le programme de travail 2025 de la Commission” publiés le 11 février dernier.
Pour Christophe Hansen, le Commissaire à l’Agriculture et à l’Alimentation, les propositions futures de la Commission s’appuieront sur les travaux du Dialogue Civil et du Conseil européen sur l’Agriculture et l’Alimentation (EBAF) nouvellement créé. Mais à ce stade comment décrypter ce que sera la Politique agricole commune à la lecture de ces quatre documents ?
Dans le dessein de répondre aux recommandations du rapport Draghi, et à celles du rapport Letta lorsqu’il s’agit du Marché unique, la boussole de compétitivité développe les 3 transformations impératives, nécessaires au renforcement de la compétitivité. Du point de vue de l’agriculture et de l’agroalimentaire, on retiendra la nécessité de répondre aux besoins de financement des entreprises innovantes, l’accent étant mis sur la stratégie européenne de la bioéconomie, la digitalisation et l’intelligence artificielle. S’agissant de la décarbonation, “la boussole” renvoie aux mesures envisagées par la « vision », tandis que la nécessité de réduire les dépendances extérieures excessives met en avant les bénéfices à venir des récents accords commerciaux (Mercosur, Mexique) en annonçant la création d’une plateforme pour les achats groupés des matières premières critiques. Le second volet portant sur les facteurs de compétitivité repris dans la “vision” se résume à la simplification, l’allègement et la rapidité de la réglementation européenne et au renforcement du Marché unique.
La “vision”, sous-titrée « façonner ensemble un secteur agricole et agroalimentaire attractif pour les futures générations », souligne que la souveraineté alimentaire ne doit jamais être considérée comme définitivement acquise, en rappelant le caractère stratégique du secteur. A l’horizon 2040, les objectifs sont énumérés pour des activités agricoles et agroalimentaires attractives, rémunératrices, compétitives et résilientes, actives dans la réduction des gaz à effets de serre et le développement des zones rurales. Les réponses politiques seront guidées selon des mesures susceptibles d’assurer une meilleure rémunération par le marché (création d’indicateurs par l’Agri Food Chain Observatory – AFCO) et un soutien public du revenu plus juste et plus ciblé (dégressivité et plafonnement des aides), de faciliter l’accès aux pratiques innovantes, de permettre le développement du marché des crédits carbone et des énergies renouvelables, et de construire un plan ambitieux d’investissements avec l’intervention de la Banque européenne d’investissement ou de partenariats public-privé. Il s’agira également de contribuer à la résilience du secteur dans le contexte de la concurrence internationale en inscrivant la sécurité et la souveraineté alimentaire dans l’agenda européen plus général de la sécurité, de la compétitivité et de la durabilité.
La Commission esquisse les initiatives qui permettraient d’harmoniser les normes au niveau de l’Union, mais également dans les échanges avec les pays tiers, en particulier sur les sujets des pesticides et du bien-être animal. De même l’accent sera mis sur la capacité de préparation et de résistance à l’épreuve des risques du secteur, tant en ce qui concerne les risques climatiques (révision du fonctionnement du Fonds de Réserve) que tout type de crise (poursuite des activités de l’European Food Security Crisis preparedness and response mechanism – EFSCM) dans le cadre plus large de la “Stratégie de Préparation de l’Union”).
L’allègement du fardeau des obligations réglementaires supportées par les producteurs figure dans le plan de travail de simplification de la Commission, qui devrait publier au 2e trimestre de 2025 un « paquet de simplification de l’actuel cadre législatif de l’agriculture ».
Au sujet de l’environnement, la Commission rappelle les orientations de la décarbonation et de la durabilité comme moyen de concilier la nature et l’activité agricole. Le renouvellement des générations reste le défi principal auquel la Commission envisage de répondre en renforçant les synergies entre la PAC, la politique de cohésion et la mise à jour du “plan d’action rural de l’UE”. Par ailleurs, l’accent est mis sur le rôle des autorités locales pour le développement territorial, sur la contribution des modèles de l’industrie agroalimentaire (rappel du EU Code of Conduct on responsible food business and marketing practices), sur les innovations technologiques, sur la prise en compte des attentes sociétales en matière de bien-être animal ou encore dans la lutte contre les pertes et gaspillages. Enfin, la « vision » souligne l’importance de la recherche, de l’innovation, de la connaissance et des talents qui doivent être au cœur de l’économie européenne agroalimentaire.
Globalement le document de la Commission, qui reprend les sujets abordés par le “Dialogue stratégique sur le futur de l’agriculture“, décline pour le secteur agroalimentaire les orientations de la « boussole de compétitivité », mais on peut s’interroger sur la cohérence de ces orientations avec celles annoncées pour le prochain Cadre financier pluriannuel (CFP). En effet, le document diffusé le 11 février, qui part du principe que le statu quo n’est pas une option, propose de fondre les allocations à chaque Etat membre en un fonds unique avec un plan national de mise en œuvre pour chacun d’entre eux. Ce qui serait une simplification du point de vue de la Direction du Budget de la Commission annonce, ni plus ni moins, une véritable renationalisation des politiques communes et en particulier celle de la PAC. D’ores et déjà, les principales organisations du secteur agricole et agroalimentaire ont adressé leurs critiques aux commissaires concernés. Les débats promettent d’être intenses d’ici la présentation du projet de CFP prévu pour le 3e trimestre 2025.
Pour l’ensemble des acteurs du système agroalimentaire, les communications promises durant les 100 premiers jours de la Commission renouvelée en décembre 2024 annoncent une Union plus ambitieuse, plus simple et plus rapide. Mais suffira-t-il d’une boussole et d’une vision pour convenir de la destination et se mettre rapidement en chemin…