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04/04/2025
Enquête ESA sur les profils des nouveaux agriculteurs : Bienvenue dans les diversités !
Dans le cadre du projet “Agrinovo” retenu par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire en 2024, l’Ecole Supérieure des Agricultures (Angers/St Quentin-en-Yvelines) a mené une large étude auprès de 28 000 exploitants agricoles qui se sont installés en 2018 et en 2022, 3 400 ont répondu. Il s’agissait de mieux connaître les trajectoires et les situations économiques et sociales des nouveaux entrants, de comprendre les raisonnements à l’œuvre dans le renouvellement des générations. Les pouvoirs publics et les organisations consulaires devraient s’en emparer afin de réfléchir à l’amélioration de leur politique d’accompagnement.
En résultat de l’enquête, la réalité qui s’affiche s’avère plus riche, complexe et diverse que les traditionnelles catégories binaires de type “Issu du milieu agricole/NIMA”. Agrinovo a ségrégué les répondants en cinq profils types, dont chacun mérite une explication[1]:
- Les “héritiers bien préparés” à 34 %,
- Les “héritiers sans vocation” à 22 %,
- Les “classes populaires hors cadre” à 16 %,
- Les “reconvertis des classes moyennes” à 20 %,
- Les “reconvertis des classes supérieures” à 8 %, qui peuvent se séparer pour un peu plus de la moitié en “reconvertis” et moins de la moitié en “contre-mobiles” qui, quant à eux, sont issus du monde agricole.
Plusieurs points méritent d’être soulignés.
L’origine agricole de la majorité (55 %) des nouveaux agriculteurs demeure et pourrait sembler marquer la continuité d’une forme d’endogamie sectorielle. Rien ne changerait ? Y-a-il un salut hors transmission par filiation ? En réalité les profils des différents types d’”héritiers” entre les “bien préparés” (jeunes, masculins, formation agricole…) et les “sans vocation” (plus âgés, féminins, souvent sans formation agricole…) sont tellement éloignés que ce sont beaucoup plus ces différences qui méritent attention que l’origine commune. Par ailleurs le développement de l’origine urbaine, périurbaine et rurale des impétrants au sein de l’échantillon général se poursuit et devient notable.
En matière de choix de filières ou de types de production, l’élevage laitier, qui plus est s’il est additionné à l’élevage bovin-viande, arrive en tête dans le choix des entrants, principalement chez les héritiers. Chez les convertis en général et dans les classes populaires hors cadre les fruits et les légumes prennent une place importante. Les céréales quant à elles sont bien représentées notamment dans les profils héritiers bien préparés et les contre-mobiles. A noter la part de la viticulture chez les héritiers sans vocation, quand il s’agit de conserver dans le patrimoine familial une exploitation en attente de transmission. Cette répartition ne constitue pas totalement une surprise, si ce n’est qu’elle consacre clairement la cote actuelle de l’élevage.
Bien entendu cette riche étude de l’ESA s’intéresse aux trajectoires humaines, les diplômes initiaux ou ultérieurs, l’importance dans la préparation du projet des expériences antérieures, notamment sous forme de salariat, la résilience apportée par l’environnement familial ou social, le soutien patrimonial…En matière de niveau de diplôme elle montre que, à l’instar des autres familles de métiers, le niveau global s’élève en agriculture. Le noyau majoritaire des formations étant formé des différentes options de Bac et des formations de type Bac + 2. A noter qu’une minorité importante de nouveaux installés n’a pas connu de formation agricole initiale. Le profil du chef d’entreprise, ingénieur, manager, souvent mis en avant dans différentes communications est donc très minoritaire, les images d’Epinal ne sont pas toujours celles que l’on croit.
En prolongement de ces données, l’enquête nous informe sur la façon dont ces nouveaux entrants se définissent et se représentent leur métier. Ils sont plutôt jeunes, avec une composante féminine en croissance et un niveau de formation supérieur. Ils se voient principalement, sans que cela soit exclusif, comme des chefs d’entreprise, des paysans et des éleveurs-cultivateurs. La notion de chef d’entreprise émane notamment du regard porté sur eux-mêmes par les héritiers bien préparés ou les contre-mobiles, celle de paysan émanant des convertis et des classes populaires hors cadre.
Ce travail sociologique remarquable de l’ESA montre que si les différentes catégories de nouveaux installés ont des capacités d’innovation et un potentiel de résilience variables, toutes ont leurs propres lignes de force qui méritent d’être soutenues, quant à leur organisation, leur accès à différents marchés et leur vision sociétale. Les canaux de préparation et de soutien à l’installation des nouveaux entrants doivent toujours mieux intégrer cette diversité, qui a pour dénominateur commun la fierté d’un métier.
[1] Communiqué ESA du 20 mars 2025 “Les nouveaux agriculteurs : Qui sont-ils ?“.