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Temps de lecture : 3 min

13/12/2024

Les géants du grain sous les projecteurs

Depuis la publication en 1980 de l’ouvrage”Les géants du grain” de Dan Morgan, les études portant sur les grandes sociétés multinationales du commerce des grains se sont faites rares. A part quelques articles partiels ou des monographies, il reste difficile de pénétrer dans le monde secret des grands chargeurs internationaux spécialisés dans le commerce des céréales et oléagineux.

C’est à la demande du Comité de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen que vient d’être réalisée une étude intitulée “Le rôle des négociants en matières premières dans la formation des marchés agricoles” disponible uniquement en anglais. Loin d’être exhaustive, cette étude circonscrite au contexte européen, s’est focalisée sur les quatre grands acteurs communément dénommés les ABCD, A pour Archer Daniel Midlands (ADM), B pour Bunge, C pour Cargill, et D pour Louis Dreyfus Company (LDC). Quant aux auteurs ils appartiennent respectivement à trois organismes, la firme Ernst & Young (EY), l’Université de Bonn, et l’ONG SOMO. Les opinions émises n’engagent pas, bien entendu, le Comité agriculture du Parlement.

Pour parvenir à formuler des recommandations de régulation européenne des marchés physiques et financiers des grains, ce rapport présente en introduction une description aussi détaillée que possible des quatre entreprises, en estimant que leurs parts cumulées dans le commerce mondial de ces commodités auraient été comprises en 2022 entre 50 et 60 %, sans qu’il soit possible d’évaluer leurs parts dans le commerce de l’UE. Le rapport aborde ensuite les tendances et évolutions du commerce des produits agricoles de base, soit une concentration croissante, la poursuite de l’intégration verticale et la financiarisation des activités, mais aussi l’émergence de nouveaux acteurs tels que COFCO International (Chine), Welmar International (Singapour), Olam Group (Singapour) et Kernel (Ukraine).

En s’appuyant sur une description des cadres réglementaires qui s’appliquent au commerce des grains dans l’Union européenne, aux États-Unis d’Amérique et en Suisse, le rapport formule des recommandations sur quatre sujets principaux.

Pour ce qui concerne la transparence des marchés physiques, il s’agirait pour l’essentiel d’amender la réglementation existante quant à la notification par les États membres des niveaux de stocks de céréales, oléagineux et riz. Cet effort de transparence conduit actuellement dans le cadre des observatoires européens par filière et par le groupe d’experts de l’EFSCM se heurte néanmoins aux règles libérales qui président au fonctionnement du Marché unique et du secret des affaires.

Les recommandations suivantes traitent des mesures susceptibles d’éviter des situations de crise dues à la diffusion des effets en cascade des risques financiers. Sur ce point, rien de neuf puisqu’il s’agit de s’assurer que la réglementation est bien appliquée pour les paiements relatifs aux opérations de compensation et d’appels de marge pour les opérations de gré à gré, en y ajoutant la nécessité d’une coopération internationale renforcée.

La troisième série de recommandations détaille les dispositions des directives européennes MiFiD et MAD dont il faut contrôler la bonne application selon le rôle dévolu à l’ESMA, autorité européenne des marchés. Il n’est pas certain sur ce point que les auteurs aient intégré les règles et procédures appliquées par l’AMF, l’autorité française des marchés, pour garantir l’intégrité et la transparence des marchés du blé, du colza et du maïs gérés par Euronext.

Enfin le rapport s’attaque à la question des structures oligopolistiques des marchés en recommandant le renforcement des mesures anti-trust, ce dont il faut reconnaitre que la Direction de la Concurrence se charge déjà, la promotion des mesures visant à la transparence et aux meilleures conditions de concurrence, notamment pour ce qui concerne les mesures incitatives pour les petits acteurs. Pour l’essentiel, les auteurs conseillent de poursuivre les débats et études sur le sujet, tout en suggérant que les États membres introduisent pour le secteur agroalimentaire des dispositifs d’imposition sur les bénéfices exceptionnels, à l’équivalent de ce qui est réalisé dans le secteur de l’énergie.

Au terme de la lecture de cette étude, on retiendra qu’elle aura contribué à lever un peu le voile sur les activités des ABCD, à comprendre les difficultés auxquelles la réglementation fait face concernant l’asymétrie entre transparence relative des marchés financiers et opacité des transactions sur les marchés physiques et, finalement, que la réglementation en place joue bien son rôle si elle est correctement appliquée.